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publié le 1er septembre 2023
La loi Rilhac votée en décembre 2021 a instauré une autorité fonctionnelle, qui donne davantage de missions et de responsabilités aux directrices et directeurs d’école.
Lire le décret d’application sur Legifrance.
– « Il a autorité sur l’ensemble des personnes présentes dans l’école pendant le temps scolaire ».
« Autorité », sans adjectif. Après un très long parcours, dont les dernières étapes ont été la loi Blanquer puis la loi Rilhac, il y a une autorité dans chaque école. Concrètement cela ne va rien changer au pouvoir réel des directeur-trices qui restent toujours totalement démuni-es. Mais idéologiquement, certains parlementaires ont enfin abattu, grâce à E. Macron, la "petite république des professeurs" voulue par Jules Ferry.
– Le directeur d’école appartient toujours « au corps des instituteurs ou au corps des professeurs des écoles ». Il est nommé moment par le-la Dasen. Il-elle peut être révoqué-e de sa fonction à tout moment.
C’est une différence fondamentale avec un vrai personnel de direction.
– Il-elle « veille à la bonne marche de l’école maternelle, élémentaire ou primaire dont il a la charge et au respect de la réglementation qui lui est applicable. Il prend toute disposition utile concernant l’organisation et le bon fonctionnement de l’école pour que celle-ci assure sa fonction de service public ».
C’est mot pour mot ce que disait déjà le texte de 1989.
– Le directeur admet les élèves. Il organise l’accueil et la surveillance. Il arrête, après avis du conseil des maîtres, le service des enseignants. Il organise le travail des agents communaux, toutes tâches déjà prévues par le décret précédent. » Il anime et coordonne l’équipe pédagogique. Il assure l’intégration des membres nouvellement nommés dans l’équipe pédagogique. Il organise la coopération entre l’ensemble des professeurs, les autres personnels éducatifs de l’école et les intervenants extérieurs au sein de l’école. Il veille à la diffusion des instructions et programmes officiels ainsi qu’au bon déroulement des enseignements ».
Rien de neuf.
– En théorie, le directeur d’école doit avoir trois ans d’ancienneté comme instituteur ou professeur des écoles pour être inscrit sur la liste d’aptitude. Mais le décret prévoit les nominations « en cas de vacance d’emplois » d’instituteurs et professeurs des écoles non inscrits sur la liste.
Preuve que la fonction est très attirante…
– En ce qui concerne la carrière, le décret reconnait aux directeurs d’école une bonification d’ancienneté de trois mois chaque année.
Là s’arrête le soutien accordé par le Ministère à des personnels qui sont responsables de la bonne marche des écoles. Le régime des décharges n’a été revu que de façon marginale en 2022. Et le décret ne prévoit aucune aide pour des personnels qui croulent sous les tâches administratives.
A contrario, la grande majorité des directeur-trices exigent du temps, à travers des décharges plus conséquentes pour toutes les écoles, notamment les plus petites, mais aussi une simplification administrative, souvent annoncée mais jamais réalisée, et surtout, un emploi d’ aide à la direction et au fonctionnement de l’école.
Cette revendication prioritaire, est renvoyée vers la responsabilité des collectivités locales. Autant dire que cette loi n’améliorera pas leur quotidien.
En revanche, elle ouvre la voie à un statut hiérarchique, avec une autorité fonctionnelle qui place les directrices et directeurs en extériorité de l’équipe pédagogique.
Le grand changement apporté par le nouveau décret, c’est l’autorité. « Il a autorité sur l’ensemble des personnes présentes dans l’école pendant le temps scolaire » pour la « bonne marche » de son école.
Il a fallu des années pour que le mot apparaisse dans le décret relatif aux directeur-trices d’école. _ Les pères fondateurs de l’école publique avaient jugé que l’école où doivent aller tous les jeunes français doit donner une éducation démocratique. Et que celle-ci passe par un fonctionnement démocratique dans l’école elle-même. C’était vu par Jules Ferry comme la garantie d’une école vraiment républicaine. C’est cette tradition qui a été brisée par la loi Blanquer puis, après son échec, par la loi Rilhac.
« Dans les discussions que nous avons eues avec le Ministère, on voit bien qu’il n’y a pas de garde-fou sur la question de l’autorité hiérarchique », disait Guislaine David, co-secrétaire générale de la FSU-SNUipp. « Ils ne veulent pas décliner l’autorité fonctionnelle dans le décret, malgré nos sollicitations. Le manque de clarté sur ce que signifie cette autorité engendrera des interprétations différentes d’un territoire à l’autre, d’un IEN à l’autre. Et lorsque nous demandons que soit clairement inscrit dans le texte que les directeur-trices ne soient pas supérieur-es hiérarchiques, le Ministère refuse. Quand on lie ce projet de décret au Pacte, on voit bien que tout concourt à donner une autorité ». Pour elle, même si « il y a un risque de transformation de l’organisation de l’école. Cette autorité isolera le directeur du reste de l’équipe ».
C’est que cette évolution ne correspond en rien à une demande des professeur-es des écoles. Un sondage organisé par la FSU-SNUipp en mars 2020 montre que seulement 13% des enseignant-es du premier degré sont favorables à l’autorité des directeur-trices d’école. 85% sont contre.
En 2019, une consultation organisée par le ministère de l’Education nationale établit que seulement 11% des professeur-es des écoles sont pour un statut de directeur-trice d’école. 25% sont pour que le-la directeur-trice évalue les enseignant-es. L’idée d’un-e directeur-trice manager n’est soutenue que par 2% des PE.
Ce que montrent ces enquêtes c’est que les directeur-trices d’école demandent une aide matérielle et pas une autorité. Or, sous le premier quinquennat Macron, les aides administratives ont été supprimées.
Les nouveaux dispositifs, comme les évaluations d’école ou le PACTE, révèlent le rôle que le Ministère veut leur faire jouer : recenser les besoins, inciter les collègues à appliquer les mesures ministérielles, rendre-compte. Autant de missions dévolues aux IEN qui se déchargent progressivement de leurs prérogatives.
Davantage d’autonomie dans les écoles conduit inévitablement à plus de contrôles de la part de la hiérarchie. Ainsi, les directrices et directeurs seront évalué-es au bout de 3 ans d’exercice et soumis à des rendez-vous de carrière spécifiques tous les 5 ans. S’il s’agissait d’un accompagnement bienveillant, avait-on besoin d’une loi et d’un décret d’application pour le mettre en œuvre ?
Avec l’accélération de carrière (via une bonification d’ancienneté de 3 mois / an), qui ne doit pas se faire au détriment des adjoint-es, le seul point positif est le transfert de l’élaboration des PPMS aux collectivités locales et aux Rectorats (les directrices et les directeurs restent néanmoins acteurs de leur mise en application).
Pour le FSU-SNUipp, ils et elles doivent être au cœur de l’équipe pédagogique. Leur rôle d’animation et de coordination est indispensable et le lien avec les collègues doit être renforcé. C’est pourquoi la FSU-SNUipp revendique, en plus de la décharge de direction, l’attribution d’une décharge d’école qui serait attribuée en conseil des maîtres à un-e ou plusieurs adjoint-es : cela permettrait d’atténuer le sentiment d’isolement des directrices et directeurs et d’offrir aux collègues volontaires la possibilité de s’investir davantage dans le fonctionnement de l’école, favorisant de fait le collectif de travail.