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Management contre fonction publique tribune de Bernadette Groison

publié le 28 mars 2012

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Tribune publiée le 26 mars 2012 dans "le cercle, les échos.fr"

La Fonction publique a subi bien des épreuves ces dernières années. Réforme de l’État, RGPP, Lolf...avec pour conséquences majeures les restructurations de services et les réductions de postes.
Même si le gouvernement refuse toujours d’en faire le bilan, il apparaît clairement (et le dernier rapport parlementaire en est un témoignage) que ces mesures ont plus affaibli que modernisé l’État. Gaspillage de compétences, perte de sens du travail pour les personnels, dégradation des conditions de travail, manque d’efficacité pour les usagers...le bilan est lourd !

Mais la Fonction publique souffre également d’un autre mal : la nouvelle gouvernance.

Le gouvernement n’a eu cesse d’introduire dans la Fonction publique des éléments de pilotage et de management déjà imposés dans le privé.
C’est le sens de ce qu’on appelle technocratiquement « le Nouveau Management Public ». Pour le Président de la République cela s’imposerait « comme une évidence », une sorte de bon sens dont nous n’aurions pas pris la mesure...

Performance, compétences, mérite, culture du chiffre....sont imposés comme des éléments de modernité. Car qui pourrait contredire l’idée qu’il faut bien gérer les fonds publics ?

L’action de l’État n’est donc plus définie à partir des missions mais à partir de l’efficience de la gestion. Il s’agit d’une entrée par les moyens et non pas par les objectifs.

Aucun débat démocratique n’a eu lieu permettant de répondre à deux questions pourtant essentielles et d’autant plus en période de crise : de quelle Fonction Publique avons-nous besoin aujourd’hui pour répondre aux besoins de la société, et, quelle organisation des services publics pour répondre à ces exigences ?

Alors que la Fonction publique est fondée sur l’intérêt général, au service de tous les citoyens, alors que les personnels demandent un travail plus collectif, la politique actuelle conduit à la destruction des équipes et à la mise en concurrence.

Les carrières et salaires des personnels sont individualisés à l’excès. Le fonctionnement est éclaté : développement de l’autonomie des établissements, mise en concurrence des personnels, des établissements,des services développement d’une évaluation normative...
Cette politique a un effet déstructurant sur les comportements individuels. Lier le déroulement de carrière, les rémunérations aux résultats influencent forcément les comportements des agents, dans une période de suppression massive d’emplois, en les poussant à privilégier ce qui fait l’objet d’évaluation plutôt que l’intérêt général, l’immédiat plutôt que le long ou moyen terme.

Mais cela contribue-t-il à plus d’efficacité ? Et qu’en est-il du vécu de ces agents ? D’une souffrance au travail qui ne cesse de grandir dans les administrations ? De la satisfaction des usagers pour qui les services sont trop souvent de plus en plus éloignés ?

Lorsque l’on voit les conséquences dans l’éducation, la justice, la culture...on ne doute même plus de l’inefficacité de cette nouvelle gouvernance.
La Fonction Publique a une histoire et des objectifs qui lui sont propres. Les agents ont une culture professionnelle. La nouvelle gouvernance, qui fait déjà des dégâts humains importants dans le secteur privé ne doit pas être transposée dans le Public. En poursuivant ce modèle, cela conduirait la Fonction Publique dans le mur. Il est temps d’arrêter la RGPP et le modèle de pilotage en cours.

Il faut aujourd’hui inventer un modèle de pilotage spécifique à la Fonction Publique qui respecte leur professionnalité et qui soit propre à leurs missions et leur statut. Le statut qui de par ses principes de neutralité, d’équité, d’égalité et de transparence constitue une garantie autant pour les usagers que pour les personnels en soustrayant ceux-ci à toutes pressions, à tous les lobbies.

Il faut aujourd’hui bien reconstruire le périmètre des services et clarifier les missions des agents pour qu’ils répondent mieux à tous les besoins de notre société. L’Etat ne doit pas se défausser de ses responsabilités en renvoyant à l’administration décentralisée la gestion de questions lourdes qui relèvent de sa compétence.

Mais pour cela, et contrairement à ce qui se passe aujourd’hui, les personnels doivent être associés aux nécessaires évolutions de la Fonction publique. Cela passe par un réel dialogue social, à tous les niveaux et dans tous les services. Dans le même temps, les usagers doivent être associés à ces mutations. Il faut introduire des espaces de concertation entre administration, personnels et usagers (comme cela existe dans certains ministères comme à l’Education nationale) dans tous les ministères et tenir compte de leurs avis.

Les évolutions de la Fonction Publique doivent avoir pour objectifs de mieux encore servir les usagers et d’offrir une plus grande égalité entre les citoyens , cela doit faire l’objet d’un débat sérieux. Cela concourt à la démocratie de notre société.


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